staiway to heaven
we'll be free one day

« Installe toi, je dois aller bosser. Tu es chez toi maintenant, alors … Bienvenue. » Finnigan posa sa main sur les cheveux de Anthea en passant à ses côtés. « Finn ? » l'interpella-t-elle avant qu'il ne descende. « Oui ? » Il se retourna et posa son regard gris sur sa sœur. Avec sa jupe trop courte, ses cheveux emmêlés, ses yeux et sa bouche trop maquillés, elle avait l'air d'une catin. Il détestait ça. C'était bien parce que son comportement dépassait tout le monde que leurs parents avaient décidé d'abandonner à son fils aîné cette fille qu'ils n'arrivaient plus à gérer, sa nouvelle femme et lui. Pourtant, des filles vêtues comme des catins, Finnigan en voyait tous les soirs. Sauf que là, c'était différent. Comment pouvaient-ils penser qu'il pourrait s'occuper d'une gamine de vingt ans ?  « Merci, c'est cool. » Il hocha la tête et sourit brièvement, avant de la planter là. Le club qu'il possédait était idéal pour se changer les idées. Finn penserait à son réveil, durant la journée du lendemain, à la meilleure façon de veiller sur elle. « Alors, votre sœur ? » demanda l'une de ses employées quand il passa derrière le comptoir pour donner un coup de main à la barmaid.  « Arrivée à midi. Je sens que ça va être difficile. » maugréa-t-il. L'autre haussa les épaules en posant les verres sur le plateau, devant elle. « Ça va aller, vous verrez. » « Hmm. » Finnigan n'en était pas fermement convaincu.

 « Est-ce que tu te rends compte que tu n'es jamais disponible ? » Finnigan fronça les sourcils. « Qu'est-ce que tu racontes ? On se voit souvent ... » répliqua-t-il.  « Souvent ? Tu te fous de ma gueule, Finn ? La dernière fois qu'on s'est vu, c'était le week-end dernier ! Cinq jours ! On est plus des ados … Je ne veux pas juste te voir une fois de temps en temps, je veux passer mes nuits dans tes bras et ... » L'homme secoua la tête et croisa les bras sur son torse. « Non. » La jeune femme aux cheveux trop blonds écarquilla les yeux.  « Non ? » répéta-t-elle. « Non. » confirma-t-il, catégorique. « Je dois m'occuper de ma sœur, en ce moment. Je ne la laisserai pas tomber, alors tu te contentes de ça, ou on arrête. » C'en fut trop pour la pauvre demoiselle qui explosa :  « Il n'y en a toujours que pour ta sœur, c'est comme ça depuis des mois ! Je n'en peux plus de ta sœur ! Anthea est une garce, et tu la fais passer avant moi ! Me contenter de ça ?! Hors de question ! C'est fini ! » Elle hésita quelques instants, en pensant qu'il allait la retenir. Mais il haussa simplement les épaules et alla se servir un verre de vin. Elle n'était pas la première à ne pas supporter cette situation et ne serait certainement pas la dernière. Il ne s'engageait jamais, et sa soeur était une nouvelle excuse pour échapper à ses responsabilités. En cet instant, il eut plus mal qu'il ne l'aurait cru. Ces femmes ne lui plaisaient pas, il leur manquait quelque chose. Cette chose essentielle qui devrait le faire vibrer, le rendre accro. Finnigan les regardait partir sans lever le petit doigt, sans un mot. C'était même une sorte de soulagement. Il n'avait rien à faire avec des femmes qui n'acceptaient pas sa sœur, parce qu'elle passerait toujours avant tout le reste. Il devait s'occuper d'elle, il l'avait promis. C'était fatigant de coucher, de baiser, de jeter. Il n'en pouvait plus. Pourquoi fallait-il que ça se termine toujours comme ça ? En voyant qu'il ne réagissait pas, sa nouvelle ex tourna les talons et claqua la porte d'entrée. L'homme soupira en se laissant tomber sur le canapé, las.  « Outch. La Tornade Blondie a dévasté le cœur de Monsieur Oxburry. » lâcha Anthea en entrant dans la pièce. Finnigan ricana et secoua la tête. « Non, ça va. Mais arrête de l'appeler Blondie, c'est Katharine. Pas Blondie. » Elle acquiesça, lèvres pincées. Sa sœur avait bien changé. Elle avait laissé tomber les jupes en cuir trop courtes, au profit de pantalons qui lui seyaient davantage. Ses cheveux étaient plus soignés, et son maquillage de pétasse envolé. Elle était ravissante, et beaucoup plus naturelle. « Les parents seraient fiers de toi si ils te voyaient comme ça. » ajouta Finnigan. Anthea sourit et se laissa tomber sur le canapé à côté de lui.  « Tu parles. On n'existe plus pour eux, surtout moi. La ratée de service. » C'était un constat désolant, mais néanmoins réaliste, il ne pouvait pas le démentir.  « Mes examens approchent, tu veux bien m'aider à réviser ? » « Hm, bien sûr. » Anthea se releva et sautilla jusqu'aux escaliers.  « Merci ! » Finn sourit. Elle faisait énormément d'efforts, il était fier d'elle à la place de leurs parents.

« Comment va la fille de ton père ? » Finnigan se renfrogna. Sa mère avait le don de poser la question fâcheuse à chaque fois qu'il lui téléphonait. « Elle va bien, maman. » répondit-il seulement, avant de faire mine de s’étouffer à cause d'une toux. Au moins, ils changeaient de sujet. Il n’aimait pas beaucoup parler de sa petite sœur avec sa mère, qui était la raison de la séparation de ses parents. Si son père n'avait pas couché avec une autre, jamais ils ne se seraient séparés. Ca avait été un coup dur pour tout le monde.« Sivous allez bien tous les deux, c’est l’essentiel. » Répondit l'ex madame Oxburry d'une petite voix. Elle se donnait l’allure d’une femme indifférente, mais le jeune homme la connaissait assez pour savoir qu’elle allait ensuite s’enfermer dans sa cuisine pour pleurer en regardant le ciel à travers la fenêtre. Maintes fois, il lui avait proposé de le rejoindre ici, mais elle s'accrochait à la maison où ils avaient un jour vécu tous les trois, heureux et insouciants malgré leurs problèmes d'argent. Par conséquent, Finnigan lui envoyait régulièrement de quoi vivre correctement. Son cœur se serra douloureusement. « Je dois te laisser, maman. » répondit-il, tandis que son regard se perdait dans l’immensité du ciel bleu à travers la fenêtre ouverte.

« Mon pote, toi et moi on finira vieux garçons. » Finnigan leva les yeux au ciel et but une gorgée de bière. « Toi, peut-être. » répondit-il avec un sourire doux. L’autre ricana tristement, avant de l’imiter. « C’était une sacrée garce, sérieusement. Ne tombe jamais dans le piège du mariage. » Finnigan croisa les bras sur le comptoir, et haussa les épaules. « J'aimerais bien pourtant, tu vois. » Tous deux se connaissaient depuis toujours. Ils ne s’étaient pas lâchés d’une semelle en trente ans, savaient tout de l’autre sans exception. Ils se soutenaient en toute situation, se protégeaient d’eux-mêmes et des autres, pleuraient et riaient ensemble, se disputaient, se battaient et se réconciliaient toujours ; ils ne pouvaient pas prendre le risque de perdre l’autre, parce que ce serait perdre une part d’eux-mêmes. « Si dans dix ans on en est toujours au même stade, tu voudras sortir avec moi ? » Finn recracha la bière qu’il avait dans la bouche et éclata de rire, devant l’air choqué de la serveuse qui était bonne pour nettoyer le désastre. « Ouais mon frère. Ca marche. » répondit-il en tendant la main à son meilleur ami en guise de promesse. Dix ans, ça laissait le temps de changer les choses. D’arrêter de se contenter de maîtresses d’une nuit, aussi délicieuses soient-elles. D’apprendre à aimer et ne plus avoir peur. D’apprendre à accepter l’avenir, plutôt que de faire marche arrière dès qu’il y était confronté. « A nos vies de merde... » « ... Dans ce monde de merde ... » « Qui touche à sa fin.» Ils trinquièrent. « Arrête de te plaindre, toi au moins tu as du succès. » plaisanta Finnigan en faisant un signe du menton vers deux filles qui discutaient plus loin sans les lâcher des yeux. « N’importe quoi, c’est toi qu’elles regardent. » Finn secoua la tête. « Mais bien sûr. Allez, bouge, va les voir. » Son ami sourit et lui donna une accolade amicale. « Merci, t’es vraiment un frère. » Finnifan ferma les yeux, épuisé.

Un monde parfait. Du fric. Une belle voiture. Une pelouse bien tondue. On croit qu’on est heureux, on fait semblant, on sourit pour les apparences. La vie ne nous fait que des cadeaux, sans cesse, on se croit immortel. Rien ne peut nous arriver, la malchance a peur de nous.Tout sonne faux. Même nos rires, et même nos larmes. La différence, c'est qu'il a un jour vécu autrement. Il a appris le partage, appris à se soucier des autres. Il était pauvre, autrefois. Il n'était personne. Maintenant, il a tout pour réussir : l’argent, l’intelligence, la curiosité, l’ambition. Maintenant qu'il a atteint l'objectif qu'il s'était fixé, c'est autre chose qui lui manque : ce qu'il avait avant. Il veut être heureux, sans artifices. Être amoureux. Rire et pleurer, et que ça sonne vrai.