▽ happiness therapy.
On ne peut pas revenir en arrière ; c’est pas facile de choisir, il faut faire le bon choix. Tant qu’on ne choisit pas tout le reste est possible.
CHAPITRE I
« alors tu vois comme tout se même et du cœur à tes lèvres je deviens un casse-tête. Ton rire me crie de te lâcher avant de perdre prise et d'abandonner car je ne t'en demanderai jamais autant déjà que tu me traites comme un grand enfant et nous n'avons plus rien à risquer, à part nos vies qu'on laisse de côté. »
« Quatre-vingt dix-neuf... CENT ! ». La petite fille se retourna vivement, ouvrant ses grands yeux pétillants d'une joie encore infantile. Ses lèvres se plissèrent immédiatement et elle fit un bon pas en avant, observant le salon de la vieille maison de fond en comble. En apparence, la pièce était déserte. De la vieille tapisserie recouvrait les quatre murs. Deux canapés étaient entreposés au milieu du salon, avec, en leur centre, une table basse en bois brut fabriquée de longues années plus tôt par l'homme de la maison. Il y avait bien une vieille télévision dans un coin de la pièce, mais elle ne servait que très peu. A l'opposé, la vieille cheminée dominait toute la pièce, son imposante armature attirant tout de suite le regard alors que de nombreuses babioles étaient entreposées sur sa poutre. Des photos étaient accrochées aux murs, vestiges de quelques moments de bonheur en famille. Mais à cet instant, Elea se fichait bien de la décoration. Elle n'avait qu'un seul et unique but en tête : trouver sa grande sœur et, ainsi, gagner le jeu qu'elles avaient commencé quelques minutes plus tôt. Elea n'aimait pas perdre. Elle n'avait jamais aimé ça. Juliett, sa grande sœur, appelait ça être mauvais joueur... Son papa préférait dire que sa fille cadette était simplement une conquérante. Les deux n'avaient très certainement pas tord.
Contournant l'un des canapés, la gamine inspecta chaque recoin de la pièce. Derrière les rideaux opaques, sous la table, même dans le conduit de cheminée... Mais sa sœur n'y était pas. Perdant patience, la petite fille sortit alors du salon, entrant dans la petite cuisine où sa maman était en pleine préparation de ce qui semblait être un gâteau... La petite fille grimaça. Si elle était dotée d'une gourmandise à toute épreuve, les années passées à se nourrir de ce que sa maman cuisinait lui avait appris depuis bien longtemps que sa mère n'était en rien douée en cuisine. Pourtant, elle persistait et Elea savait pertinemment que ce soir là, elle serait obligée de prendre quelques bouchées de ce fameux gâteau.
« Dis maman, tu sais pas où elle est Ju/ ». L'enfant n'eut pas le temps de terminer sa phrase que sa génitrice la coupait, pinçant l'arrête de son nez, visiblement irritée.
« Pas maintenant Elea, je cuisine là ! ». Elea plissa ses fines lèvres, observant un instant sa maman, un bouquin de cuisine ouvert devant elle, sur l'îlot central de la cuisine. Ses cheveux étaient attachés en un chignon duquel de nombreuses mèches brunes s'échappaient. Ses lunettes étaient perchées au bout de son nez fin et les verres étaient recouverts d'une fine pellicule de farine. Ses joues étaient rougies par la frustration de ne pas réussir son plat et le tablier bleu foncé qu'elle portait était tâché à de nombreux endroits.
Ne désirant pas s'attirer les foudres de sa génitrice, Elea quitta rapidement la cuisine, traversant un long couloir. Sa sœur était forcément dans le coin... Elles avaient pour ordre de ne pas quitter la maison lorsqu'il pleuvait dehors. Et ce jour là, c'était le cas. Pour une fois, elles ne pouvaient profiter du grand terrain entourant la maison que leurs parents avaient acheté quelques années auparavant. En effet, l'un comme l'autre à la recherche de calme et de sérénité afin de pouvoir exercer leur métier d'écrivains en paix, les parents de Elea et Juliett avaient investi dans une maison à la campagne. Une petite maison assez coquette et pleine de charme, entourée d'une vaste verdure et même d'un petit lac. Tout cela constituait un terrain de jeu incroyable pour leurs deux petites filles... mais ce jour là, le simple fait qu'il pleuvait dehors les frustrait énormément.
Passant devant la bibliothèque où était en train de travailler son papa, Elea ne chercha même pas à y entrer, sachant pertinemment que son père n'aurait pas admis que Juliett s'y cache alors qu'il était concentré juste à côté. Il ne restait que les chambres à l'étage, mais les deux petites filles s'étaient mises d'accord pour ne pas se cacher là haut... Et Juliett n'était pas une tricheuse... Alors, elle devait forcément être là... Enfin... L'attention d'Elea se posa sur une silhouette inconnue, à l'autre bout du jardin, vers le petit lac. Au travers du carreau elle avait du mal à s'en rendre compte, alors le plus discrètement possible, elle sortit de la maison, la pluie lui mouillant immédiatement ses vêtements. Mais elle n'en avait que faire. Elle s'élança alors vers le lac, mais la silhouette n'y était plus. Peut-être qu'elle avait rêvé ? La maison était relativement isolée... Les seuls voisins n'habitaient qu'à des kilomètres d'ici... Et alors que la petite fille s'apprêtait à retourner à l'intérieur, un toussotement attira son attention. Doucement, elle monta sur le petit ponton surplombant le lac et son regard se posa sur la barque, dans laquelle était recroquevillé.... un petit garçon. Il devait avoir son âge, ou peut-être était-il un peu plus vieux... Elle n'en savait rien. Elle ne l'avait jamais vu. Pourtant, elle connaissait tous les gamins du coin, pour être allée à l'école avec eux. Il grelottait, là, au fond de la petite barque, ses frêles bras entourant son torse d'enfant. Ses cheveux châtains étaient plaqués contre son visage à cause de l'humidité et elle s'approcha un peu plus de lui. Elle le vit se tendre à son approche et Elea leva les mains devant elle.
« Hey... », il lui semblait si apeuré qu'elle avait peur qu'une parole de trop ou un geste trop brusque ne le fasse fuir.
« Tu t'appelles comment ? », demanda-t-elle une fois assez proche de lui pour entamer une conversation. Il resserra son emprise autour de son corps et ne dit rien. Ses grands yeux verts la fixaient, de la peur et de l'étonnement faisant briller ses pupilles.
« Moi c'est Elea... », continua la gamine, tout aussi doucement... Elle mit un pied dans la barque et s'installa à l'opposé du petit garçon, ne pouvant s'empêcher de le fixer.
« J'vais pas te faire de mal... promis ! ». Il sembla se détendre un peu et c'est à ce moment là qu'elle vit les égratignures sur ses bras. La pluie avait très certainement lavé le sang qui s'était écoulé de ses blessures.
« Tu parles pas beaucoup toi... ». Le gamin se contenta de se gratter la joue, fixant la gamine en qui il semblait avoir de plus en plus confiance au fur et à mesure que les secondes passaient.
« Tu veux pas rentrer à l'intérieur ? », demanda-t-elle en désignant la maison, à l'autre bout du jardin... mais le gamin se contenta de hocher négativement sa petite frimousse, la peur se faisant de nouveau présente dans ses iris.
« T'inquiète pas, je vais pas te forcer... t'as nul part où aller ? ». Cette fois-ci, il relâcha un peu son emprise autour de son corps et haussa les épaules.
«Si tu veux, tu peux te mettre à l’abri dans le cabanon... personne t'embêtera là-bas... ». Il restait silencieux et Elea prit les devants en se relevant, lui tendant une main amicale... Qu'il mit un certain temps à attraper. Ils descendirent de la barque et elle le guida vers la petite cabane, isolée, dans un coin du jardin. C'était un peu son endroit à elle. Elea avait même interdit à sa sœur d'y entrer. Mais ce garçon n'avait nul part où aller, alors elle était bien décidée à partager pour une fois.
« Tiens, pour pas que tu attrapes froid ». Elle lui enroula la couverture en laine autour des épaules et lui fit signe de s'asseoir sur les coussins posés par terre. Au moins, ici, il était à l’abri. C'était le principal. Elea s'installa à côté d'elle... Elle ouvrit la bouche, prête à parler, mais la voix lointaine et visiblement énervée de sa maman la coupa en plein élan.
« ELEA REVIENT LA TOUT DE SUITE !!! ». Oups, elle allait se faire punir... mais peu importait. Elle ne regrettait en rien d'avoir désobéit. Alors, après un coup d’œil complice avec le petit garçon, elle se releva.
« Reste là, t'es en sécurité. Je dirai à personne que t'es là... J'vais revenir avec de l'eau et à manger... d'accord ? ». Il se contenta de hocher la tête et la petite fille sortit de la cabane.
CHAPITRE II
« blah blah blah »
« J'crois que t'es le seul à aimer le gâteau au chocolat de ma maman... », rigola la petite fille alors que son regard restait posé sur son nouvel ami, dévorant à pleines dents la part de gâteau au chocolat. Cela faisait trois mois qu'Elea gardait secret le petit garçon au prénom encore inconnu. Il ne parlait jamais. Pourtant, il comprenait ce qu'elle lui disait... du coup, Elea parlait pour deux. Elle passait du temps avec lui, à lui raconter ses journées, ce qu'elle avait appris à l'école ou la blague qu'elle avait fait à ses camarades de classe. Elle parvenait à ramasser de la nourriture en douce et à la donner à son ami. Parfois même, elle arrivait à le faire entrer dans la maison, pour qu'il prenne une bonne douche ou profite de la chaleur. Jusqu'ici, elle avait réussi à garder la présence de son ami secrète et même s'il ne parlait pas, ils avaient tissé de véritables liens.
« Dis El', t'aurais pas... », Juliett se stoppa immédiatement, alors que Elea retenait sa respiration. D'ordinaire, sa grande soeur frappait avant d'entrer dans sa cabane, mais cette fois-ci, elle avait dérogé à la règle, découvrant avec stupeur le nouveau venu.
« C'est qui lui ? ». Mais Elea était paralysée par la surprise, aucun son ne sortait de sa bouche et lorsque Juliett tourna les talons, la porte de la cabane claquant derrière elle, Elea reprit soudainement vie.
« Mince ! ». Vivement, elle se releva et s'élança après sa soeur qui était déjà auprès de leur maman, lui racontant sa découverte.
Tout ce qui suivit fut rapide. Leur mère découvrit le petit garçon, appela la police et il fut embarqué, sous les cris de rage d'Elea. Elle ne comprenait pas. Pourquoi sa sœur avait-elle raconté ça à leur mère ? Pourquoi son ami ne pouvait-il pas rester ? Pourquoi la police le prenait-il ? Ils étaient heureux là, dans cette cabane ! Pourquoi les adultes gâchaient tout ? Alors, une fois les voitures de police éloignées, Elea s'élança vers sa sœur, les joues bordées de larmes.
« Pourquoi t'as tout dit aux parents ? ». Juliett serra les poings et s'approcha de sa soeur.
« Et toi, pourquoi tu m'as rien dit ? On a promis de jamais rien se cacher ! », avant de tourner les talons, s'éloignant d'une Elea au cœur meurtri, le visage livide de son ami au prénom inconnu hantant son esprit à jamais.