As my life flashes before my eyes
I'm wondering will I ever see another sunrise?

«  L’état de Niklaus a empiré. » Murmure un homme à sa femme. Les murs sont fins dans leur petit appartement. Mais il n’entend pas les petits pas s’approcher de la table où il est installé, trop attristé par les larmes qui coulent le long des joues de sa femme. « Le médecin m’a dit qu’il avait besoin d’être opéré… mais cela coûte cher, et nous n’avons pas… » Il s’interrompt alors que sa femme essaye d’étouffer un sanglot dans sa gorge. Sa main cherche la sienne, un peu de réconfort, un peu de chaleur. Mais rien ne peut atténuer le sentiment de perte de leur premier fils. Il y a bien une solution à cela, mais l’homme n’ose pas la soumettre à sa femme. Cette idée, il la combat depuis qu’elle lui a été soufflée. Non, il ne peut pas faire ça. Mais les larmes roulant sur les joues de sa bien-aimée le font céder. « Un homme était là. Il m’a proposé de l’argent, beaucoup d’argent, assez pour l’opération et les soins après… » Souffle-t-il d’une voix peu sûre. Pour la première fois, il voit sa femme relever les yeux vers lui, une étincelle d’espoir dans ceux-ci. « Que veut-il en échange ? Je lui donnerais tout. » Son mari sert un peu plus fort sa main. Il sait qu’elle n’y pense pas réellement, qu’elle ne sait pas. « Anastasiya. Il veut Ana. » Sa gorge se resserre alors qu’il observe le visage de sa femme perdre ses couleurs peu à peu. « Non. Non. Pas elle. Il doit y avoir un autre moyen, autre chose qu’il … » Une petite tête blonde apparait alors, les yeux encore chargés de sommeil. La voix de son père l’a réveillé il y a quelques minutes. « Pourquoi me veut-il ? Si cela peut sauver Nik’, je devrais y aller. » Sa voix est fluette, remplie d’une innocence que seule l’enfance peut lui procurer. « Ana. » soupire son père. Il tend les bras vers elle, et elle ne se fait pas prier pour grimper sur ses genoux. « Tu devrais dormir » murmure-t-il contre ses cheveux. Elle secoue la tête, complètement fixée sur son idée. Il est de toute façon trop tard, elle en a trop entendu. « Cet homme achète des enfants pour les vendre à des personnes plus riches. C’est une sorte d’adoption m’a-t-il dit. » Un frisson parcourt son échine. Il a un mauvais pressentiment, mais il s’efforce de le mettre de côté devant les grands yeux bruns de sa fille. Et puis il y a sa femme, si abattue par le combat de leur fils. « Ce n’est peut-être pas une si mauvaise idée. Ana sera avec de bonnes personnes. » La naïveté la tient comme une de ces personnes qui n’a rien vu du monde et de ces atrocités. « Et elle pourra revenir à ses 18 ans vivre avec nous. » L’espoir reprend place dans son cœur. Il se retrouve alors perdu au milieu de cette scène des plus étranges. Il sent les deux regards sur lui, mais il n’arrive pas à faire un choix. Sa fille ou son fils. « Ana, c’est à toi de décider. » lui murmure-t-il, conscient de l’ingratitude de cette demande. « Je veux que Nik’ vive. » dit-elle résolue.

Innocence et pureté, elle n’a aucune idée dans quoi elle s’engage. Son cœur doux ne pense pas aux esprits pervers et malsains qui peuvent exister derrière la porte de leur appartement. Et quand cet homme au manteau sombre vient la chercher, elle sourit une dernière fois à ses parents en secouant sa petite main. Et puis, quelques minutes plus tard, tout s’assombrit quand l’homme pose contre son nez et sa bouche un tissu empreint de chloroforme.  


« Petite, réveilles-toi. » Des caresses se fondent sur son visage. Sa tête la lance, son cerveau semble hurler, et ses paupières sont lourdes. Tout semble confus. Où est-elle ? Que s’est-il passé ? Elle se revoit quitter l’appartement. Doucement, elle rassemble ses forces pour ouvrir ses yeux. La lumière l’aveugle, et elle les referme rapidement. Il lui faut plusieurs minutes et battements de cils pour enfin distinguer les longs cheveux bruns au-dessus d’elle. « Bois » lui murmure-t-on. Elle réalise alors que sa gorge est douloureusement sèche. Sans hésitation, elle attrape le verre qu’on lui tend, et le vide. « Doucement ma petite, doucement. » Elle lève alors les yeux vers la propriétaire de cette voix. Elle a les yeux soulignés de noir, ces cils sont épais, et sa bouche est d’un rouge sang. Mais elle décèle dans ces iris une gentillesse et une tendresse dans laquelle elle veut se fondre. Sa tête est sur ces genoux, et elle sent une de ses mains dans son dos. Lentement, elle l’aide à se relever. Ana, encore trop perdue pour se rendre compte d’où elle est, ne voit que le gant et le seau d’eau qu’approche cette femme. Elle nettoie son visage avec douceur en lui souriant, lui murmurant des mots rassurants qu’elle ne comprend pas. « Comment t’appelles-tu ? » « Anastasiya, mais tu peux m’appeler Ana. » répond la petite fille en souriant. « Et toi ? » « Mon prénom est Elisveta, mais Sveta suffit » Elle répond avec ce drôle de sourire. « Et quel âge as-tu petite Ana ? » « Huit ans trois quart » répond-elle en montrant le chiffre avec ces doigts. « J’aurais 9 ans dans un mois. » continue-t-elle sans faire attention à l’ombre qui passe sur le visage de Sveta. Celle-ci essaye de se recomposer un visage rapidement, ne voulant pas inquiéter la petite, mais son sourire est si faux qu’il lui fait mal. « Bien, il faudra fêter cela alors. » Elle se redresse, et prend un plateau sur une table adjacente. « Il faut que tu manges petite Ana. Et pendant ce temps je vais parler aux autres filles. » La petite fille fronce les sourcils. Quelles autres filles ? Mais l’assiette et la tranche de pain qu’on lui présente détourne vite son attention alors que son estomac grogne.

Alors qu’elle avale goulument sa bouillie, elle n’entend pas l’indignation montée dans les murs du bordel, puis le rire gras et sombre du gérant. Elle apprendra bien assez tôt les plans qu’ils ont pour elle. Elle apprendra bientôt que son corps sera adopté par plusieurs personnes, le temps d’une nuit ou de quelques heures. Elle ne réalisera qu’à ce moment-là toute l’horreur que ce monde et ses habitants sont capables de réaliser pour quelques billets verts et quelques secondes de plaisir.


« Ecoutes-moi Ana, écoutes moi attentivement. Ça va être difficile, ça va faire mal, mais tu ne dois pas pleurer, et pas te débattre. D’accord ? Il y prendrait beaucoup trop de plaisir. » La petite fille acquiesce d’un signe de la tête, essayant de ravaler les larmes qui pointent déjà dans ses yeux. Sveta les essuie du bout des doigts, elle n’est pas heureuse non plus de cette situation. « Ma belle, tu dois être forte. Tu vas entrer dans cette chambre, et t’allonger sur le lit. Tu n’as besoin de rien faire d’autre. Et si c’est trop difficile, ferme les yeux. ». Elle a essayé de la préparer, mais elle sait que rien ne pourra empêcher l’horreur de cet instant de s’imprégner en elle pour toujours. Elle embrasse une dernière fois le haut de sa tête avant de pousser la fillette dans la chambre. Elle referma la porte en se collant au mur, ne pouvant pas s’éloigner plus de celle qu’elle essaye de protéger malgré tout. Et à peine eut-elle enclenchée la poignée, que son cœur se brisa.

Elle sent le liquide acide remonté le long de sa gorge, dans sa bouche, et alors que son estomac se tort dans une énième plainte, elle dégueule sur cette vie qu’elle a choisis sans en connaitre les conséquences. Les larmes lui montent aux yeux, mais elle refuse de les laisser couler. Ne pas pleurer. Jamais. Pas pour eux, pas pour cette bande de hyènes affamés de chair fraîche. Sveta lui frotte doucement le dos, alors qu’elle finit de vider ses tripes dans le seau. On lui murmure des mots qu’elle ne comprend pas, et on la serre dans des bras. Ce n’est que le début. Il n’y a pas de lumière au bout du tunnel, juste une obscurité continue qui débouchera sur la mort. Elle a le sentiment que son agonie ne vient que de commencer.


« Ana, on t’attend dans la chambre 3 » Elle relève la tête vers la maquerelle en penchant la tête. « Kate n’y est pas ? » « Il en veut plus ». Elle hausse les épaules habituée aux demandes des clients. Elle ne sortira pas d’ici, elle le sait, elle en a conscience. Alors elle prend toutes les petites choses que la vie lui permet. Prendre n’est pas le mot exact. Elle garde. Elle emprisonne tout ce qu’elle peut, pour essayer de ne pas perdre totalement la face. Elle ouvre ses cuisses à tous ceux qui se présente, mais refuse de se faire embrasser par quiconque. Cela lui rappelle trop les happy ends des livres que sa mère lui lisait. Le prince embrasse la princesses, et ils vécurent heureux et à jamais. Ce n’est pas pour elle, elle n’aura pas d’happy ends, pas de prince charmant.
Elle ouvre la porte de la chambre, et trouve Kate donnant une représentation bien spéciale pendant que le client installé dans un fauteuil l’observe. « Ana, enfin te voilà. Viens ici. » Sans aucune hésitation, elle s’installe sur ses genoux et commence à embrasser son cou. Les automatismes prennent le dessus alors qu’elle attend qu’il exprime ses désirs. « Tu es bien trop habillée à mon goût, douce Ana. » dit-il en passant ses mains sous le peignoir en satin qu’elle porte. Elle sent ses doigts glisser sur ces cuisses dans une caresse sensuelle. Mais son corps ne réagit pas. « Retire-le. » lui murmure-t-elle à l’oreille, tout en s’empressant de mordre son lobe. Elle entend le grognement rouler dans la gorge du jeune homme, et sourit. Tous les mêmes. « Non, non Ana. Pas aujourd’hui. » Ses mains stoppent la remontée sur ses cuisses, les serrent un bref instant avant de quitter sa peau. Elle fronce des sourcils, ce n’est pas normal. « J’aimerais que l’on parle business tous les deux. » Elle se raidit. Elle n’aime pas ça. « Business ? Ce n’est pas avec moi que tu dois en parler Marcus. » Elle a beau jouer les provocatrices, elle sait rester à sa place dans certains cas. « Je sais, je sais. Mais vois-tu les règles vont bientôt changer ici. » Son cœur commence à battre vite. Elle reconnait cette lueur qu’elle voit dans ces yeux. Elle l’a déjà vu, il y a bien longtemps maintenant. Elle se tait, ne dit rien, attendant la suite sagement installée sur ces genoux alors que tout son être lui crie de fuir. « Je t’aime bien Ana. Et j’aimerais que tu viennes vivre avec moi. » Elle déglutit. Son ton ne laisse pas réellement place à la négociation. Son regard la fixe. Il veut l’acheter. Il veut l’emmener. Loin. « Il faut en parler à Leo. » répond-elle sans se démonter. Leo ne la vendra jamais. Elle est confiante. « Je me fous de Leo. Vas-tu poser une quelconque résistance Ana ? » Elle a grandi dans ce monde. Elle en connait les règles. Contrairement aux autres, elle ne ferme pas les yeux, ne détourne pas la tête. Et ce qu’elle voit dans ces yeux ne la rassure pas plus que ce qu’elle entend. « Cela dépend… » répond-elle posément. Il la veut. Elle a une certaine valeur à ces yeux, alors elle se risque à négocier. « Et de quoi ma chère ? » « Qui vas-tu tuer ? » Il éclate de rire devant le ton froid et détacher de la jeune pute. Il attrape le visage de la jeune fille d’une main, en serrant ses joues. « Qui veux-tu que je ne tues pas ? » Elle s’apprête à répondre, soulager qu’il lui laisse un peu de marge. Mais il la coupe dans son élan. « Disons que je t’accorde un nom. » Elle doit faire un effort qui lui apparait surhumain pour garder son visage fixe, pour ne pas se décomposer. Mais Sveta a fait du bon boulot, comme toutes les autres femmes qui l’ont accueillies alors qu’elle n’était qu’une petite fille. Elle s’accorde 5 secondes de réflexions. 5 secondes pour repasser les visages de toutes ses amies qui sont ici, de toutes celles qui se sont occupées d’elle ces dernières années. Mais elle connait déjà la réponse, celle qui dépasse les autres dans son cœur. « Sveta. »

Les coups de feu retentissent. Elle les entend à travers les murs. Désorientée, elle ne voit que du sang. Partout, encore et encore. Les femmes courent. Elles ne sont pas les cibles. Ana, perdue au milieu de ce capharnaüm, ne comprend pas ce qu’il se passe. Elle sent quelqu’un la tirer, puis une porte claque. Sveta prend son visage entre les mains. « Ana. Ecoute-moi. Marcus va t’emmener avec lui. Aux Etats-Unis. » Ses yeux s’écarquillent. Les Etats-Unis ? Cela lui semble si loin. « Je vais rester ici avec les autres filles et… » « Non. Viens avec moi. Marcus… » Une gifle l’interrompt, et elle croise les yeux celle qui a toujours été là pour elle. « Ecoute-moi Ana. » Sveta attend un peu, pour être sûre de ne pas être encore interrompue. Elles n’ont pas beaucoup de temps. « Il y aura bientôt un nouveau mac ici. Et la vie reprendra comme avant. Mais pas pour toi. Tu es la favorite de Marcus. Il va te ramener chez lui. Je ne sais pas combien de temps tu resteras dans cette position, mais n’oublies pas qu’un jour il y aura une nouvelle fille, une nouvelle favorite. » Ana acquiesce d’un signe de la tête.  Elle ne veut pas partir, pas sans elle. « D’accord ». Sveta la prend dans ces bras, et la serre une dernière fois contre elle. « Tu auras une meilleure vie là-bas. Et qui sait, tu le verras peut-être enfin, ton coucher de soleil. »


Marcus n’était pas un homme bon. Ana le savait. Allongée contre lui dans cette nouvelle maison, elle n’arrivait pas à fermer l’œil. « Arrête de bouger. » « Je n’arrive pas à dormir. » Elle ne devrait pas répondre. Elle sait que les autres filles se contentent de baisser la tête. Elles n’ouvrent la bouche que pour s’excuser. Il roule sur elle, la plaquant contre le matelas, attrapant ses poignets pour les maintenir au-dessus d’elle. « Peut-être pourrais-je remédier à ça. » suggère-t-il en appuyant son bassin contre le sien. Elle, elle éclate de rire. Elle rit de ses hommes qui pensent être irrésistible, qui pensent qu’elle les désire, et qu’ils peuvent la satisfaire avec du sexe. Mais lui ne le sait pas. « Oh Ana, tu es tellement belle. » Il approche son visage du sien, mais elle se détourne rapidement pour que ses lèvres ne touchent pas les siennes. Pas de baisers. Jamais. Pour faire diversion, elle mord fortement ce petit carré de peau entre le cou et l’épaule qui est si sensible chez Marcus. Mais la diversion ne fonctionne pas, il attrape son visage entre les mains, et la fixe. « Un jour, tu m’aimeras Ana. Un jour, tu voudras ça. » Il lâche ensuite son visage, se surélevant sur ses bras. « Il est temps que tu te souviennes de qui est le maître dans cette chambre. »

« Pourquoi tu fais ça Ana, hein ?! » Il est énervé. Elle est à terre, la lèvre déjà fendue par la gifle qu’il lui a assené quelques minutes auparavant. « N’es-tu pas heureuse ici ? Je t’ai tout donné. » Le ton monte de plus en plus. Mais elle ne baisse pas la tête, ce serait lui donner trop de pouvoir. Elle n’intervient pas non plus, le laissant s’époumoner sous son regard indifférent. La rivière de diamant qu’il lui a offert pour fêter ses six mois dans cette nouvelle vie brille par terre entre eux. Quand il lui a offert, elle n’a pas cillé, pas souris. Elle a juste détourner le regard sans un merci. Elle, elle voulait un coucher de soleil. Les diamants, les habits de créateurs qu’elle ne connait pas, les parfums, le maquillage ne l’intéressent pas. Il ne comprend pas sa réaction, ou plutôt son manque de réaction. Il s’approche d’elle, et la prend par les cheveux pour la trainer hors de sa chambre, il la lâche violemment contre le sol une fois arrivée dans son bureau. Il passe rapidement un appel, tout en allumant son ordinateur. Il pianote rapidement dessus, puis tourne l’écran vers Ana. Elle n’a pas quitté sa place au sol, sa tête est douloureuse. Mais elle oublie ses maux quand elle reconnait le visage qui lui fait face « Sveta. » Elle tente de s’approcher, mais Marcus la repousse vers le sol. « Tu ne bouges pas. » Elle observe mieux la scène et son cœur s’accélère. Sveta est agenouillée sur le sol, et elle devine que ses mains sont attachés dans son dos. Un mauvais pressentiment déchire son corps. « Apparemment te donner ne suffit pas, peut-être que t’en prendre aura plus d’effet. » Et sous ses yeux, un homme tue Sveta d’une balle dans la tête.

« Ana, arrête de bouder. C’est fatiguant. »  Elle le regarde avec indifférence, puis repousse l’assiette devant elle. Elle refuse de manger avec lui. « Je ne boude pas. » Il soupire. Il espérait que sa petite démonstration de force lui aurait fait passé l’envie de répondre, mais l’effet est inverse. Il écarte la chaise de la table. « Viens. » Elle le connait, elle sait ce qu’il veut. Docilement, elle se lève de sa chaise, et vient s’installer sur ses genoux. « Bien, tu vois quand tu le veux tu peux être mignonne. » « Je n’ai pas envie d’être mignonne. » répond-elle en plissant des yeux. Elle lève alors sa main dans laquelle elle a gardé son couteau et tente de l’abattre sur lui. Il lui attrape poignet, la lame à quelques millimètres de son cou, et le tort violemment, faisant échapper à la jeune fille un cri ainsi que la lame. Il se relève ensuite brutalement, la faisant tomber au sol, la repoussant plus loin d’un coup de pied. « Pour qui te prends-tu ? Tu n’es qu’une pute. J’ai le droit de mort ou de vie sur toi, et sur toutes les autres petites putes du bordel d’où je t’ai sorti. Tu devrais être heureuse, reconnaissante que je t’ai choisi pour vivre avec moi. J’en ai assez de toi. » Il pointe ses paroles de coups, et quand il en a assez, il va ouvrir la porte. « GUS ! » Un jeune homme accourt. « Débarrasse-moi d’elle, je ne veux plus la voir. » Sur ces mots, il quitte la chambre, sans un regard en arrière. Le jeune homme jette un regard sur la jeune fille à terre, et sors son téléphone. « Je dois me débarrasser d’une fille, tu connaissais pas une famille qui s’occupait de ce genre de chose ? … Parfait. »


Un soir, un espoir était né au fin fond d’elle. Elle s’interdisait formellement ce genre de sentiment, mais ce soir-là, quand elle avait vu cette porte pas tout à fait fermer, elle n’avait pas hésiter.  Elle était partie. Elle n’en pouvait plus de cette vie, de ce corps qui ne lui appartenait pas. Mais elle avait fait à peine quelques pas dans ce couloir qu’elle avait été rattrapée. La première chose qui lui avait coupé le souffle, ce fut ses yeux. Ils dégageaient quelque chose de si particulier. Mais cela ne dura qu’une seconde. Rapidement jetée de nouveau au fin fond de sa cellule, elle se roula en boule conter un mur, tuant le peu d’espoir qui était née en elle à ce moment-là.
Elle fut vendue à un pornographe. Ne connaissant rien de ce monde, elle ne fut pas réellement ravie d’apprendre en quoi consistait le métier de cet homme. Bien décidée à préserver un peu de dignité, elle refusa de jouer le jeu, et ne donna rien. Pas un bruit, pas un mouvement. Enfin si. Un mouvement. Celui de mordre la main de son partenaire qui essayait d’enfoncer ses doigts dans sa bouche. Ce fut de trop pour le tout nouveau propriétaire qui décida de rendre la demoiselle pour une autre.
Une fois de retour dans sa cellule, elle s’autorisa un sourire. Peut-être que sa vie ne lui appartenait pas, mais elle avait réussi à faire ce qu’elle voulait aujourd’hui. Et cela la contentait, même si le résultat était qu’elle était enfermée dans une pièce sombre avec d’autres filles pleurnichant sur leurs sorts.
On les fit bientôt sortir. La soirée avait encore une fois pris place. Un homme lui attrapa sans ménagement le bras, et la tira à sa suite. « Suis moi ». Elle reconnut l’aîné des Powell, et le suivit docilement. Il s’arrêta devant une table, et commença à parler à un jeune homme. Elle reconnut rapidement l’inconnu du couloir, et son cœur se stoppa un instant sans qu’elle n’en comprenne la raison. C’était donc lui le dernier des Powell. Elle avait entendu des rumeurs sur lui, et elle avait le sentiment qu’elles étaient vraies. Elle croisa son regard, mais ne détourna pas les yeux, après tout il allait bientôt la baiser.

Installée à califourchon sur ses cuisses, elle parcouraient la peau qu’elle pouvait atteindre de baiser. Elle attendait un geste de sa part, un ordre qui lui donnerait un indice sur la suite des évènements. Ses automatismes avaient pris le dessus sur son cerveau, et elle en était reconnaissante. Fermant les yeux, elle voulait oublier avec qui elle se trouvait, continuant à parsemer sa peau de ses lèvres. « Stop » Elle s’arrête relevant ses yeux vers lui. Mais il les détourne vite, et en quelques mouvements habiles se retrouve au-dessus d’elle. La déception pointe le bout de son nez dans le corps de la jeune fille, elle avait cru lire quelque chose de différents dans ses yeux, mais il est comme les autres, un Powell de surcroît. Elle rentre donc dans ce rôle qu’elle a joué pour tant d’hommes. Elle le laisse la déshabiller, la toucher, soupire quand il pose sa bouche sur elle sans ressentir le moindre frisson. Elle le laisse maître de son corps, ne détournant la tête que quand il s’approche de ses lèvres. Elle ne veut pas lui donner ça. Mais quand sa voix transperce le silence, elle sait qu’elle ne pourra pas passer outre cette fois.  « Je commande, tu obéis, c'est comme ça que ça se passe. » Il attrapa d’une main le visage d’Ana, et elle put croiser son regard. Quand il écrasa ses lèvres contre les siennes, elle la ressentit pour la première fois. Cette chaleur au fond de son ventre. Son cerveau était court-circuitée par ces sensations nouvelles, et ce fut comme-ci on lui arrachait une partie d’elle-même quand il se redressa brusquement. Encore perdue dans ce monde de volupté qu’elle venait de découvrir, elle ne fit pas attention à ce qu’il dit. Elle se contenta donc de le fixer. Elle avait appris que la plupart du temps, ils ne racontaient pas grand-chose d’intéressant. Mais le regard plein de haine qui lui jeta lui suggéra le contraire. « Tu ne comprends pas notre langue ? » Cette phrase eut l’effet de la réveiller. Et elle le détesta. Il l’avait embrassé. Il lui avait pris son premier baiser. Et il avait beau avoir un physique agréable, il ne ressemblait pas à un prince charmant. Elle ne bougea pas d’un pouce et se contenta de répondre « Si, je comprends très bien votre langue. » Elle était consciente qu’elle avait toujours un petit accent malgré sa prononciation parfaite. Elle retint le sourire que fit naitre son regard. Il devrait essayer autre chose s’il voulait lui faire peur. « Bien, si tu ne veux pas bouger, et bah… Moi je… je pars. » Elle le regarda disparaitre, intriguée. Avec sa réputation, elle s’attendait à quelque chose de plus… violent. Mais elle n’oubliait pas qui il était pour autant. Ce salop qui lui avait pris un baiser. Perdue dans ses pensées, elle ne s’aperçut que la porte venait de se rouvrir que quand elle aperçut la tête de Madden. Rapidement elle reconnut la folle furieuse qui lui avait teint les cheveux en brun et l’aîné des Powell. Le plus jeune semblait mal à l’aise ce qui la ravie. Elle entendit leur conversation, et du faire un effort pour ne pas rire, se contentant alors de fixer intensément le jeune homme. Il n’aimait pas ses cheveux ? Elle ne les aimait pas non plus beaucoup dans cette couleur.
Elle pensa un instant qu’il allait la laisser là. Qu’allait-elle devenir si personne ne voulait d’elle ? Mais il fit demi-tour, s’approchant d’elle et replaçant une mèche de ses cheveux. « J’aime tes cheveux, en fait. » Cela eut le don d’agacer la jeune fille. S’il les aimait de cette couleur, elle retrouverait jamais ses longueurs dorés. Et puis, il lui adressa un sourire. Et elle eut la respiration coupée. Elle n’avait jamais eu l’occasion de voir ce genre de sourire sur le visage d’un homme, il semblait si… tendre et gentil. « C’est quoi ton nom ? » Elle releva les yeux surprises. Peu d’hommes lui demandaient son prénom, elle pouvait compter sur une seule main ceux qui l’avaient faits. Elle sut alors qu’il y avait quelque chose de différent avec ce jeune homme. Elle ne sut dire quoi, mais elle avait le sentiment qu’il était peut-être plus qu’un voleur de baiser, qu’un Powell, qu’une ordure comme toutes celles qui trainaient dans cette pièce ce soir. Elle se rendit compte qu’elle n’avait pas répondu à sa question quand il fut près de la porte. « Ana. Je m’appelle Ana. »

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