C'est un bruit qui court, volatile et troublant, qui laisse sur son passage des âmes sans voix et des cœurs liés autour du mystère. Une histoire, une folie, quelque chose que l'on entend et que l'on répète pour amuser la galerie, on ose à peine y croire : ces choses-là ne peuvent exister, elles ne doivent pas exister. Elles créent une scission dans le monde, ceux qui savent, ceux qui doutent, ceux qui refusent d’admettre la vérité et finalement ceux qui frôlent seulement le passage de la rumeur. « On dit que » éclot dans toutes les bouches, les murmures fourmillent dans la ville dès le levé du soleil.

Parce que de tradition personne ne se méfie du beau, Peaks Island ne fait pas exception. Sa splendeur fascine depuis des centenaires l’Amérique toute entière. Des maisons immaculées, des murs si blancs que les pupilles des yeux émerveillés se referment, ses bien trop célèbres rosiers qui noient la ville dans un océan de rouge, rendant aux joues des habitants leur couleur d'antan. La pureté qui s'écoule de chaque détail, havre de paix. Cette ville prospère, idéalisée où en apparence rien ne se passe d'extraordinaire. Elle s'offre comme étant une parcelle de paradis où il fait bon d'y vivre. Pourtant, pour certains c'est le goût amer de l'enfer qui leur reste en travers de la gorge. Ceux qui ont ce sentiment étrange qui fait frémir leurs entrailles. Ceux qui ressentent que toutes les histoires n'ont pas encore été dévoilées. Le temps se suspend à leurs lèvres, incapables d'évoquer à la lumière du jour les effroyables bruits qui courent. Ces bruits qui ont fait tourner mais aussi tomber des têtes retirant à Peaks Island ses lettres de noblesse. Harmonie bafouée par le mystère ambiant, le mal aise sur lequel beaucoup refuse de s'exprimer, transformant les habitants en des êtres astomes. Le brouillard que la rumeur laisse dans les esprits soulève des vérités que tout à chacun se doit de cacher, que les roses ne sont qu'un leurre, que ce rouge qui inonde la ville n'est peut-être que la couleur du sang.