This road with the devil
I'll never surrender
Vent dans mes cheveux. Doux rayon chaleureux sur mes épaules. J'étais allongé sur cette chaise de plage. Des mains agréables et féminines qui roulaient sur mon échine Mon regard perdu dans l'océan d'un bleu turquoise devant moi. Une autre main féminine bien décidée à veiller que je ne manque de rien : un verre qu'on offre à mes lèvres asséchés. Un île paradisiaque. Des vacances ordinaires pour fêter la fin de mon année scolaire. Loin des parents, loin de leurs juridictions. Mes parents bien décidés à profiter à l'autre bout du monde. J'avais compris depuis longtemps qu'ils étaient mieux sans moi. Je n'allais pas m'en plaindre. Pour mes dix-neuf ans, j'avais tout ce qu'un jeune homme pouvait rêver, rien n'aurait pu venir briser ce rêve. Sauf, peut-être le son d'une voix masculine qui tenta d'attirer mon attention.
"Monsieur Twycross ? Excusez-moi, pourrais-je vous parler en privé ?" Je ne prenais même pas le temps de tourner la tête. Je ne méprisais pas le petit personnel comme certains de mes semblables. Cependant, j'étais bien là et je préférais profiter des mains félines sur mes hanches.
"Cela ne peut pas attendre ?" Mais, la pauvre âme aux mains jointes insista.
"Non, je pense pas, monsieur. Cela concerne vos parents." Je me retournais et décidais d'écouter ce qu'on avait à me dire.
"Mes parents ? Ils se souviennent qu'ils ont un fils ? Je suis curieux de savoir ce que vous avez à me dire. C'est pourtant pas mon anniversaire." Tout n'était que plaisanterie et rire dans ma voix. Un sourire en croissant offert au bord des lèvres. Mes croupies gloussant à mes cotées dans leurs micros bikinis.
"Vous pouvez y aller. Je n'ai rien à cacher." Le petit homme devant moi commença à se recroqueviller sur lui-même.
"Monsieur Twycross, vos parents ont eu un accident. Leur jet-privé..." Je n'ai plus envie de rire. Je libère les jolies plantes et demande à être seul. Mes yeux bleus se troublent. Je n'ai jamais réussi à dissimuler mes émotions. Je suis un garçon sensible qui voit son monde parfait s'écrouler.
"Le conseil d’administration demande votre retour immédiatement. " Je redeviens l'enfant obéissant, la tête baissée, je n'ai jamais souffert de ma vie. C'est cela d'avoir le cœur brisé ? Cette douleur ?
"Bien sûr, vous pouvez leurs dire que je prends un avion dés que possible." Je n'arrive plus à sortir un autre mot. Tellement de questions. Est-ce que c'est à moi d'organiser leurs enterrements ? Je me retrouve seul. Vers qui me tourner ?
Odeur de cuir. Mouvements lents et mesurés. Mon costume italien parfaitement taillé lâche ce bruissement et il se retourne. Dimitri m'observe de toute sa hauteur. Du plus loin que je me souvienne il m'a toujours effrayé.
"Je t'en prie. Merci d'entrer. Je n'ai que dix minutes à t'accorder. Nous allons faire cela rapidement." Sa voix comme sortie des profondeurs des rives du Styx me pétrifie. Je sens cette gouttelette humiliante me dégouliner le long de la nuque et se perdre dans mon col de chemise. Ma cravate est une torture.
"Approche. Je vais pas te manger. Prends place. J'ai des choses à te faire signer." Je sens dans son ton cette moquerie légère. Il aime savoir cette crainte qu'il peut lire dans mes yeux. Il s'en gargarise intérieurement.
"Bien sûr, monsieur Lukowoski " Sa main vient se poser sur mon épaule alors que je prends place devant son énorme bureau. Je ne peux faire semblant de ne pas remarquer qu'un de ses doigts s'est oublié sur ma nuque.
"Tu peux m'appeler, Dimitri. Ton père était comme un frère pour moi." Je frémis alors que ce doigt vient effleurer ma peau. Mon épiderme est en surchauffe. Lui, s'en amuse, tout cela n'est qu'un jeu pour lui. Il me torture ainsi depuis que mes parents ont rejoints leurs dernières sépultures.
"Tu ne manques de rien ? Tu sais qu'il ne faut pas hésiter. Ma porte sera toujours ouverte pour toi." Son visage s'approche du mien. Je peux sentir sa flagrance. Elle m'assaille. Un parfum de mures sauvages et de chêne vert. Enivrant. Il le sait. Tout est calculé chez cette homme même ces mots réconfortants.
"En attendant, merci de me signer cela. C'est simplement des transferts de fonds." Je m'attends à une feuille volante et un livret de deux-cents pages tombe devant moi. Je réagis immédiatement en tournant la première page entre mes doigts fébriles.
"Je ne vais pas pouvoir lire tout cela en dix-minutes." Je le vois exploser de rire tout en se posant sur le coin de son bureau. Ses doigts viennent m'ébouriffer les cheveux comme si je n'étais qu'un enfant. Après tout, c'est l'image qu'il doit avoir de moi.
"Tu es mignon. Cependant, on te demande pas de le lire. Cela serait fort indigeste et tu nous fais confiance ? Je tiens aux patrimoines de tes parents. Je ne ferais jamais rien qui pourrait le mettre en danger." Un léger malaise s'installe. Son odeur a changé. Plus relevé. Plus animal. Ma gorge me tenaille. J'ai peur. Il me tend le stylo et demande ma signature.
"Je t'enverrais une copie par mail si tu as du temps à perdre. Maintenant, s'il-te-plaît ?" Je signe donc bêtement. Je regrette immédiatement. Bien sûr, ce mail je ne le recevrais jamais. C'est toujours ainsi. Est-ce qu'il me pense trop bête ou me cache t-il quelque chose ?
"Puis-je savoir où tu t'en vas ainsi jeune homme ?" Je pensais pouvoir sortir de cet enfer sans à avoir affaire à lui. Je m'étais trompé. Je me retourne, mon manteau hors de prix encore à mon bras. La sortie si proche et pourtant si lointaine à présent. Les convives rentrent et sortent. Des gestes et des paroles amicales sont échangés. J'attends une vague silencieuse pour m'expliquer, même si je ne comprends pas pourquoi j'ai à le faire.
" Nous allons terminer la soirée avec des amis dans une boite du centre-ville. Ces soirées sont ennuyantes. Je suis venu comme vous me l'aviez demandé. Je pense avoir fait ma part. Je vous souhaite une bonne soirée." Ces galas de charités ne sont que la poudre aux yeux. Des réunions pour des personnes comme mes parents, mais pas pour moi. Dimitri m'offre ce sourire qui me glace le sang. Il m'attrape par la nuque avec douceur pourtant et me souffle devant tout le monde.
"Puis-je te parler un instant dans le boudoir ?" La porte se ferme et je m'attends à des reproches paternalistes. A la place, un grand silence s'installe, il passa une main dans ses cheveux et fait craquer sa nuque. Je ne sais pas si c'est l'alcool, mais les traits de son visage se font oppressants. La cheminée vient dessiner son ombre qui me semble prendre tout le pouvoir sur les murs autour de nous.
"Je crois que nous allons devoir mettre les choses aux claires nous deux mon jeune garçon." Il s'approche et pose ses mains sur le col de ma veste. Il s'amuse à le remettre comme une mère affectueuse. Son geste me fait reculer et je vois que c'est exactement ce qu'il attend de moi. Il m'accompagne et je me retrouve très vite acculé par ma propre couardise. Son corps de géant se colle contre le mien tout en laissant ce millimètre qui me fait déglutir par trois fois.
"Tu auras fait ta part quand je l'aurais dit. Alors, tu vas retourner serrer des mains, boire une coupe de champagne, sourire et quand je serais satisfait je te le ferais savoir et uniquement là tu pourras t'en aller." Son discours me glace le sang autant que sa main brulante qui vient se poser sur ma joue. Je reçois une petite tape qui me fait perdre toute dignité. Je baisse les yeux et Dimitri retrouve son visage de suzerain.
"C'est bien. Tu es un bon garçon. Tu comprends vite. Je n'aimerais pas à devoir te déshériter. Veux-tu te retrouver à récurer les sols des maisons que tu as foulé ? Personne n'aura de pitié pour toi. Personne ne viendra à ton aide. Ils se moqueront de toi. Tu n'as pas les épaules pour être pauvre, my sweet child. " Ses mains retombent sur mon nœud papillon. Il le remet en place et s'éloigne. Il claque la porte et me laisse seul. J'ai le ventre noué comme si je venais d'échapper à la mort. Je me recroqueville sur moi-même. Je suis terrorisé.
Impuissant.