AN ABSOLUTE REBELLION TO THE END.
this is our battlecry.

SIX ANS. ► « On joue à cache-cache, c'est moi qui compte ! » ; la voix cristalline de ta grande-sœur qui s'élève. Avec Nahis, vous vous regardez, surprises. Il y a à-peine quelques secondes elle vous hurlez dessus parce que vos demandes incessantes et vos cris et vos rires l'empêchaient de se concentrer et de terminer son devoir. Ceci-dit, ce revirement de situation vous plaît, à ta cadette et à toi. Vous ne vous méfiez pas du sourire mesquin de Linnéa, vous êtes encore trop jeunes pour pouvoir nommer avec précision cette lueur qui danse doucement dans ses yeux assombris. Tu exprimes ton contentement alors que votre aînée commence le décompte. Comme d'habitude, vous courez vous cacher ensemble, avec Nahis. Comme d'habitude, vous vous dissimulez derrière les manteaux, dans le placard. Vous patientez, quelques secondes. Vous riez et apposez vos index sur vos bouches tout en soufflant des « chuuut ! » dénués de toute discrétion. Les pas de Linnéa se rapprochent, vous les devinez. Vous n'entendez pas le léger bruit, caractéristique, d'une porte que l'on verrouille ; trop occupées à ne pas exploser d'un rire criard. Finalement, l'ombre des pas s'éloigne. Au bout de quelques heures, fières de cette cachette que Linnéa n'a pas même pensé à vérifier, vous vous endormez, pouce dans la bouche, enroulées dans les vêtements de votre mère.
Vos parents vous ont finalement libéré, tard le soir, alors qu'ils rentraient d'un dîner voluptueux. Tu n'as pas compris, alors, pourquoi Linnéa baissait les yeux sous le doigt et le regard accusateur du paternel. Toi, tu étais heureuse d'avoir gagné. Et alors que ta mère te porte jusqu'à ton lit, tu souris victorieusement à ta sœur.

TREIZE ANS. ► « Toutes mes condoléances... » ; une voix basse et hypocrite. Une voix qui suinte la sympathie, la pitié et – surtout – la compassion. Un ton qui te donne envie de vomir. Les « je comprends, je sais ce que c'est. Si vous avez besoin de quelqu'un à qui parler... » t'insupportent. Ils te serrent la gorge d'une colère contenue et te donnent mal aux oreilles. Comme du sel qu'on étalerait sur une plaie béante et neuve. Tout ce noir et ces airs faussement détruits – juste pour coller au contexte – ne t'inspirent rien d'autre que la sensation d'un énorme cliché et une haine sourde que tu ravales en serrant les dents. Tu ne reconnais personne, à cet enterrement. Une nuée d'inconnus qui, tu le pressens, ne souhaitent rien d'autre que « faire bonne figure » en assistant à la mise en terre de l’aînée de cette très riche et importante famille. Tu attrapes la main de ta petite-sœur et évites son regard, tu ne veux pas qu'elle voit les larmes qui dégringolent sans que tu n'y puisses rien. Il faut que tu sois forte.
Linnéa est morte. Il faut te le répéter. Il faut le marteler. Que ça entre bien dans ton crâne. Pour que tu puisses le comprendre tout à fait. Mais jamais l’accepter entièrement.

« Dis-moi ce que tu vois. », demande la femme, derrière le bureau, de cette voix plus doucereuse que douce. Je saisis la nuance. Je n'aime pas son ton, ni son regard. J'ai l'impression de la déranger, de lui faire perdre son temps. Comme si elle était là contre son gré. Je n'y peux rien. Je n'ai pas demandé à être là, sur cette chaise trop raide. Le bureau s'élève comme une barrière entre nous. Chacun sa place.
J'ai treize ans. Je me rends très bien compte de ce qui se passe. J'ai conscience, simplement. Les bonnes choses et les mauvaises, je les comprends. J'ai mal, mais je vais bien. Rien d'antinomique. Je pleure, je suis en colère ; mais je vais bien. Et ça, elle ne veut pas le comprendre, la grande dame bien droite sur le bois inconfortable. Parce que ce sont des personnes comme moi qui font sa fortune. Et qu'allait bien ne lui sert à rien, à elle. Les gens heureux, ceux qui se perçoivent qu'ils le sont, ceux qui ont vécu un traumatisme mais qui sauront s'en remettre tous seuls,... Tous ceux-là, ce sont autant de gens qui ne lui rapportent rien. Comme moi. Alors, elle tente de me convaincre que je vais mal, que j'ai besoin d'elle et de cette thérapie. Des médicaments qu'elle veut me prescrire, aussi. N'est-ce pas, en somme, contraire à son boulot ? Pourtant, il me semble qu'elle peut venir en aide aux seuls individus qu'elle persuade de leur mal-être. Parce qu'elle doit seulement savoir comment soigner la douleur qu'elle cause elle-même.
J'ai treize ans. Je viens de perdre ma grande-sœur. Mon modèle, mon idole. Celle qui savait se faire adorer et détester. Parfois les deux en même temps. Celle qui me criait parfois dessus. Et qui me conseillait. Celle qui m’a dénoncé quand j’ai cassé le joli vase de maman ; celle aussi qui n’a rien dit quand j’ai voulu goûter au vin blanc. Celle qui me consolait et me prenait dans ses bras. Qui me laissait dormir dans son grand lit quand j’avais peur ; que j’avais fait un cauchemar ou pensé à l’énorme dinosaure de Jurassic Park juste avant de fermer les yeux. Ma grande-sœur. Un bout de moi. Nos deux cœurs étroitement mêlés.
Et la psychologue pense guérir des maux que je n'ai pas vraiment en me montrant ces tâches d'encre stéréotypées. « S'il te plaît, dis-moi ce que tu vois. », elle demande à-nouveau, parce que je ne réponds pas tout de suite. Elle doit penser que je suis complètement chamboulée. Mon mutisme lui donne raison. Mais... Que répondre ? Ce que je vois. « C'est abstrait et peut-être stupide, mais... J'ai l'impression d'une représentation de Linnéa. Comme la promesse qu'elle veillera toujours sur moi. » J'imagine qu’il vaut mieux lui dire ça plutôt que la vérité : une souris écrasée, son intérieur à l’extérieur. J’ai toujours eu beaucoup d'imagination.
C'est une réponse qui semble lui plaire. Je ne suis pas déséquilibrée ; j'agis tout juste comme il faut que je le fasse.

DIX-HUIT ANS. ► Une clope. Appuyée contre le mur lisse de béton froid, jambe relevée et pliée, doucement accrochée derrière ton autre genou. Tu tires. Inspiration avide de sentir tes poumons s'encombrer de toute cette fumée blanchâtre. Tête penchée en arrière, cheveux décoiffés par le mouvement involontaire. Les yeux fermés, une main posée nonchalamment sur ton ventre vide et l'autre qui, à intervalles irréguliers mais rapprochés, porte à tes lèvres gercées et fines le cylindre bienfaiteur. Ciel sombre, atmosphère lourde. Soirée sans étoiles. Vent léger qui fait danser les quelques feuilles éparses et les déchets, plus nombreux. Un silence assourdissant ; ce bruit urbain nocif auquel il est impossible d'échapper et qui toujours remplit le crâne, s'insère dans l'esprit pour ne plus s'en déloger. Dès lors, il n'y a plus du silence et de la tranquillité qu'un ersatz peu salutaire.
La sonnerie stridente d'un bipeur résonne. Litanie crispante. Tu arraches à tes yeux la protection dérisoire offerte par tes paupières lourdes. Jettes le mégot fumant et avise l'écran étroit de l'objet vibrant. Puis tu cours. Exit, exquise langueur.
Ce sera ta dernière cigarette. Et ta dernière mission en tant que pompier volontaire. Il y a des choses que tu ne peux pas supporter.

VINGT ANS. ► « C'est mon taxi. », elle te dit d'une voix calme, certaine d'être dans son bon droit, avec une once d'arrogance et, presque, de possessivité. Tu la regardes et réfutes. Tu es entrée avant elle et, qu'importe que ce soit une très jolie femme : il pleut horriblement et tu viens de passer une matinée exécrable. Tu veux seulement rentrer chez toi et faire passer un café sans doute trop fort. Le ton monte. Les regards et les mots se durcissent. Tu sors finalement, claques la porte en jurant, observes le taxi s'en aller. Alors, la voiture laisse place à la jeune femme qui, de toute évidence, a eu le même réflexe que toi. Après un moment de flottement, vous vous accompagnez mutuellement dans un éclat de rire qui fait se retourner les passants.
Vous décidez finalement de vous réfugier dans un café. Tu lui offres une tasse. Vous parlez, riez, vous découvrez tout un tas de points communs. L'après-midi défile sans même que vous vous en rendiez compte.
Petit à petit, et sans réellement vous en apercevoir, vous devenez amies. Une amitié vraie, sincère et… souvent ambiguë. Adriane. Quel joli prénom.

j'adore ta plume, tu m'as vraiment plongé dans son histoire. je suivrais la relation adriane/maeve de près.

Bienvenue parmi nous petit être, tu es enfin un habitant de Peaks Island, cette ville mystérieuse qui regorge de secrets que voici.   les rumeurs. Voici quelques liens qui t'aideront à te retrouver dans la la ville.

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